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27 mai 2006

Alexandre

ALEXANDRE.

                                   La sortie du collège s’est bien passé, pour une fois personne est venu m’embêter !

Dire qu’il faut que je rentre chez moi !

Mon père sera peut-être pas encore rentré ?

J’ai eu du mal à rester assis aujourd’hui, avec les coups de ceinture d’hier soir !

Ça me chauffe depuis, en plus ce matin quand j’ai voulu enlever mon pyjama, il était collé par le sang, j’ai dégusté !

Obligé de me mettre dans le bain avec, pour le décoller !

Heureusement, il était déjà parti, parce que j’ai pas le droit de prendre plus d’un bain par mois, c’est pour que j’ai honte quand je sens mauvais à l’école.

Ma mère ne revient que la semaine prochaine, elle est partie chez sa sœur passer quelques jours, parce que je la fatigue trop !

Mais ça changera pas grand-chose, ils sont d’accord tous les deux pour une éducation forte !

En plus j’crois qu’il m’aiment pas ?

Depuis que je suis tout petit, je prends des coups !

Sûrement que je suis pas assez sage ?

Dimanche je vais chez ma grand-mère, ça va être chouette, la elle, elle me bat pas, peut-être il y aura mes cousins, et on s’amusera tous ensemble ?

Et dimanche c’est demain ! Enfin ! Les semaines sont tellement longues.

Je suis en sixième, je vais avoir treize ans, je suis né le 25 décembre, comme ça, ça leur évite de fêter mon anniversaire !

Alors, évidement treize ans en sixième, on peut pas dire que je sois en avance, je suis le plus vieux de ma classe, mais pas le plus fort !

Je veux dire côté tête !

Côté muscles non plus d’ailleurs !

Je suis le plus vieux, mais pas le plus grand, je suis très chétif comme garçon, c’est ma grand-mère qui le dit !

J’ai déjà redoublé la sixième, et aussi le cm2.

Et vu le premier trimestre, peut-être je vais rester encore un peu en sixième ?

Je suis bientôt arrivé !

Je vois la ferme, le tracteur n’est pas là, donc mon père est pas rentré !

Faut que je me dépêche de faire mes devoirs, parce que après, j’ai la bouffe à distribuer aux poules, canards, cochons, lapins, pigeons,etc…

Ensuite ce sera pour les vaches, avant de les traire.

On a douze vaches, alors j’en ai toujours pour un grand moment !

Comme maman n’est pas là, faut aussi que je mette le couvert, et que je fasse réchauffer le reste d’hier soir !

Moi j’aurai droit qu’à un bouillon, si il est pas trop bourré, sinon ; rien, au lit.

Avec ma mère ça se passe pareil.

Elle c’est pas avec une ceinture, ça dépend des jours, j’ai même droit des fois, à la cigarette, de préférence là où ça se voit pas !

Mais autrement ils ont plein d’idées tous les deux !

Pour arriver à la ferme, il faut emprunter un chemin de terre, privé, à force de passer avec la voiture et les engins agricoles, le chemin est complètement défoncé, je longe les prairies de chaques côtés.

Les bêtes viennent à ma rencontre, et elles me suivent derrière les barbelés.

Elles me suivent jusqu’au bâtiment, elles ont l’habitude, elles vont m’attendre à la barrière, jusqu’à l’heure de la traite ! Sans trop s’éloigner.

Elles savent que ça va être pour bientôt.

En plus il commence à faire froid, novembre déjà !

Le ciel est gris depuis ce matin !

Penser à mettre du bois dans la cheminée, faire une flambée, qui fasse bon quand mon père va arriver, sinon ?

Je vais rentrer les vaches tout de suite dans l’étable, j’ai peur qu’il neige, et puis comme la nuit tombe tôt, j’ai peur dehors !

Dans le noir j’aime pas !

Pourtant il m’envoit souvent dehors la nuit, quand il est défoncé, alors là je vais dormir dans l’étable, sur la paille.

Là au moins j’ai la paix ! En plus je peux récupérer un peu de lait au pis, du lait tout chaud, c’est bon !

C’est pas que mes parents soient pauvres, non !

Ils m’aiment pas c’est tout !

Pourquoi, je sais pas ?

En tout cas, je peux pas oublier, ils me le disent assez souvent !

Paraît que je suis bon à rien, et que sans moi, ils auraient pu vivre autrement ?

Pourtant je les gêne pas beaucoup puisqu’ils font comme si je n’existait pas.

Ils rentrent, ils sortent.

Je sais rarement où ils sont :

J’attends.

Depuis tout petit, j’attends, avec angoisse, l’angoisse de les voir arriver.

J’attends avec la peur qu’ils ne reviennent pas ?

Le mieux se serait qu’ils aient un accident, comme ça j’irais vivre chez ma grand-mère !

Peut-être ? En tout cas ailleurs, parce que des jours j’en peux vraiment plus !

Entre les moqueries, et les dérouillées au collège, plus les engueulades et les branlées chez moi, vraiment y a des jours, c’est dur, très dur !

Même les profs, ils peuvent pas me saquer, sauf le prof d’histoire-géo,lui il m’aime bien, souvent après les cours, il me garde pour qu’on parle de moi, de l’histoire, parce qu’il s’est que l’histoire, c’est ma passion.

Comme je le pensais, il n’y a personne chez moi, j’en profite pour pas faire mes devoirs, et m’occuper des animaux tout de suite.

Je finirai plus tôt, enfin faut quand même que je me garde des travaux pour la fin de soirée, pour quand il va arriver, autrement il va trouver bizarre que j’ai fini, et alors il va rajouter du travail à faire tous les jours, donc, garder quelque chose à faire au dernier moment !

Il vient de rentrer, je suis en train de traire, il est arrivé dans l’étable en titubant, pas le moment de le regarder dans les yeux, ni de parler, de demander quelque chose.

Juste me taire, et baisser la tête !

De toute façon, je sais bien que je vais en prendre une avant ce soir ! Alors.

J’ai peur !

Très peur, je voudrais que ça se passe tout de suite, être débarrassé !

Il me reste quatre vaches à traire, dehors il fait noir depuis longtemps, il neige aussi très fort, y a bien dix centimètres maintenant.

J’aime la neige, ça me fait penser au Noël de la télévision ?

Mais d’un autre côté, avec mes chaussures trouées aux semelles, je vais avoir les pieds mouillés.

C’est pas la première fois, dés qu’il pleut je marche direct dans l’eau, ça lave mes chaussettes.

L’hiver va être rude, parce que c’est rare qu’il neige autant si tôt.

La litière des bêtes va être à changer, ça commence à sentir dur, la vache !

J’appuie la tête entre la hanche et le ventre de la bête que je suis en train de traire, ça fait un creux, c’est tout chaud, tout doux, peut-être comme une maman ?

J’essaie de ne pas penser à tout à l’heure, à ce qui va m’arriver ?

Je viens de débarrasser le couvert, il est déjà dix heures je suis crevé !

J’ai eu droit à ma dérouillé, sur les croûtes d’hier, je saigne, j’ai mal.

Je peux plus m’asseoir du tout, j’ai chaud et je tremble comme si j’avais la fièvre, maintenant j’ai plus qu’à aller me coucher, en surveillant les bruits de la maison !

J’espère qu’il va dormir toute la nuit ?

En plus je peux pas fermer à clef, il a fait sauter la porte la dernière fois que j’ai fermé !

Y a pas de chauffage chez moi, je dors tout habillé, sur mon lit, enveloppé dans une couverture.

Ma chambre est assez grande, mais moche et sale, y a longtemps que y a pas eu de travaux dedans, ni peinture, ni tapisserie, chaud vive, comme dans l’étable, sauf c’est refait tous les ans !

Par terre c’est du parquet, blanchi par les lavages à la Saint-Marc.

J’ai donc un lit, une chaise, deux tréteaux avec une planche dessus, ça me sert de bureau, et aussi des fois de table pour manger quand je suis renfermé, puni ! Pour plusieurs jours !

Surtout pendant les vacances, mon père me dit que ça lui évite de voir ma sale gueule !

Je m’en fout, dans ma chambre, j’ai la paix, mais je préfère quand même dans l’étable, parce que là il faut qu’il traverse toute la cour, et là il peut pas toujours. Donc j’ai mieux la paix !

Le Fantôme !

                        J’ai un fantôme aussi, enfin il est pas à moi, simplement y a que moi qui peu le voir !

Il est un peut plus jeune que moi, de corps, dans les dix ans, mais il est mort il y a longtemps.

Après la révolution de 1789, en 93 pour être précis le 2 janvier, c’était pendant la terreur.

Égorgé par les troupes républicaines, sa mère a été violée et massacrée par les soldats qui lui ont éclaté la tête contre un mur, en s’en servant comme d’un bélier, devant lui et sa petite sœur, qui avait trois ans, mais elle, il l’a jamais revue, même comme fantôme !

Parce qu’après c’est lui qu’ils ont tué, donc il ne sait pas si sa sœur a était épargnée ?

En tout cas il a toujours la gorge ouverte, avec la plaie, la chair qui pend et le sang qui n’arrive pas à sécher, mais ça coule plus.

C’est mieux !

Mais au début ça me faisait quand même peur !

Il habitait un château, avec ses parents, son père était duc, il a été décapité à Paris, enfermé à la conciergerie, et décapité en place de grève, en juillet 92, moi c’est lui qui me raconte tout ça !

Mais ça a l’air vrai parce que mine de rien j’ai demandé des renseignements au prof d’histoire, celui qui m’aime bien, et il a confirmé, le nom, le titre, les dates, tout quoi !

Et ce qui est bien, il me suit partout, enfin non, il me suit pas, mais il est là ou je suis, mais que à la ferme !

Il a un visage d’ange tout doux, des yeux bleus profonds, très profonds, des cheveux blonds longs bouclés, doux, enfin je crois parce que il est intouchable, vu que c’est un fantôme !

C’est dommage cette plaie à la gorge, mais le visage reste beau, délicat et pâle, faut dire que plus de deux cent années d’errance ça doit fatiguer drôlement ?

Il est comme moi, sans amour de mère, ou de père, la différence, lui il est pas battu, enfin, si il était battu ça lui ferait rien, vu que c’est un fantôme !

Alors !

Donc son père était duc, ils se vouvoyaient, ils avaient un grand château Normand, et plusieurs autres propriétés.

Ils vivaient surtout à la cour du Roi, Louis XVI, son père avait connu aussi Louis XV, mais il préférait quand même Louis le XVI-ème, paraît qu’il était plus humain !

J’aime bien quand il me raconte tout ça, ça me fait rêver !

Des fois aussi, son père vient le voir, ça fait drôle parce que comme il a été guillotiné, il se promène avec sa tête dans les mains, impressionnant la première fois ?

Et ils se vouvoient toujours, le fils l’appelle monsieur le Duc, et son père l’appelle mon petit prince, c’est pas son titre, évidement, c’est juste un titre d’amour !

C’est tout brillant partout.

Je vois les photos de mon livre d’histoire qui défilent devant mes yeux, et je m’endors en pensant au bonheur.

Je m’endors dans le froid, et ma pauvreté !

Cinq heures et demi, j’ai raté l’heure, l’avantage je suis déjà habillé, je passe en courant devant la chambre de mon père, je l’entends ronfler, donc en me dépêchant, il n’y verra que du feu !

Je déjeunerai un autre jour.

Vite l’étable les vaches, pas de temps à perdre, leur donner du fourrage, d’abord pour qu’elles soient plus calmes.

En plus j’ai un petit veau qu’il faut faire téter deux fois par jours, ça, ça m’avance pas dans mon travail !

Il faut le faire boire au biberon, parce que sa mère l’a rejeté, ça me rappelle quelque chose !

Heureusement on est samedi, j’ai cours que le matin, je pourrai changer la litière cet après-midi, sinon je vais encore en prendre une !

À midi, je mange pas au restaurant scolaire, c’est trop cher, mais j’ai pas le droit de rentrer chez moi, toute façon je préfère, parce que autrement ce serait pour faire des corvées !

Je préfère traîner dans les rues ?

Donc après les vaches qu’il faut traire à nouveau, encore les poules et autres à nourrir, à sept heures j’ai fini, le temps de prendre mes affaires, un bout de pain, et partir au collège, j’ai un peu de route à pieds, mais j’ai l’habitude, je me raconte des histoires, des aventures avec mon copain le fantôme, et comme ça la route avance toute seul !

Une demi heure de marche !

J’arrive devant le bahut, attroupement donc je suis pas en retard.

J’entre dans la cour sous les quolibets habituels, ça me fait plus rien, enfin presque, maintenant ça me fait plus pleurer !

Pas devant eux en tout cas !

Ils seraient trop contents !

Ce matin gym, je risque une colle, parce que j’ai toujours pas de vêtements de sport, comme si c’est moi qui décide !

Ils sont cons les profs !

Toute façon avec ce que je fais à la ferme, j’ai pas vraiment besoin de faire du sport, deux heures de Français, ça vous dope pour le week-end.

Pendant le sport comme j’ai pas mes affaires, non seulement j’ai deux heures de colles, mais en plus, j’ai pas le droit de quitter le vestiaire pendant que les autres vont sur le stade, ça je m’en fout, sauf que là y en a qui sont revenus pour me foutre une dégelé, je saigne de la bouche, j’ai une dent qui bouge, et j’en ai marre de l’injustice !

En plus, le prof, qu’est-ce qui t’es arrivé ? t’as encore fait le con ! et moi,

-         oui m’sieur !

Enfin il a été gentil il m’a envoyé à l’infirmerie !

Pas de français !

L’infirmière est sympa, je commence à la connaître bien, depuis le temps que je viens me faire soigner !

Elle me reproche encore d’être vraiment trop sale !

Mais elle insiste pas plus que ça ! Sympa !

J’ai quand même honte !

J’aime bien l’odeur de l’alcool, la douceur de ces mains qui passent le coton imbibé sur mes plaies, mais je déguste, ça pique.

-         Qui c’est qui t’as fait ça encore ?

-         Personne, je suis tombé !

-         Tu me prends pour une idiote, non ?

-         Non, je vous le jure, je fais ça juste pour me faire soigner par vous !

-         Ben dit donc toi tu n’es pas en retard.

L’infirmière c’est mon coin de bonheur !

-         Je peux rester pour la matinée ?

-         Si tu veux oui ! Mais secret, tu n’en parles à personne !

-         Vous inquiétez pas, personne me parle !

Midi, déjà, il faut que je rentre chez moi, dur.

Je fais une bise à l’infirmière, surprise, elle accepte !

En franchissant la grille le prof de sport m’interpelle, juste pour me dire qu’il lève la colle.

Je lui dit merci, bien sûr, même si j’ai pas envie.

Après tout je l’avais pas mérité cette colle !

Un jour je me vengerai !

Sûr, je me vengerai !

En arrivant devant l’église j’entre pour prier, pour mon frère aîné qu’est mort, lui il a eu de la chance quand même.

Il est mort petit, moi je l’ai pas connu, il a deux ans de plus que moi, et comme il est mort à un an et demi, forcément, j’ai pas pu le connaître.

Il s’appelait Henri.

Mais j’aime bien prier pour lui, des que j’ai un peu de temps, je vais au cimetière sur sa tombe, et puis on parle, moi je lui raconte comment ça se passe en vie, et lui il m’explique l’au-delà, bien sûr je sais déjà un peu, avec mon fantôme !

Dimanche.

                        La neige a durci, marcher dessus me fait mal aux pieds, je glisse dans les trous faits par les sabots des vaches, ça me tord les chevilles.

Mais par contre le paysage est magnifique !

J’aime !

Je suis obligé d’aller chercher du bois pour la cheminée, le tas est à l’autre bout du champs, je pousse la brouette, c’est pas facile ça glisse, je me suis déjà ramassé deux fois.

En rentrant du collège, samedi, mon père s’est inquiété de mon état, quand j’ai vu qu’il détachait sa ceinture, j’ai compris, surtout qu’il m’a dit que c’était pour m’apprendre à faire attention, bref, j’ai pris dans les cuisses, malgré mon jean je l’ai senti passé.

Faut dire qu’il en était au Ricard, et que la bouteille a drôlement diminué.

Bref, ce matin c’est la corvée de bois, en amener un stock pour la semaine, ça va me faire faire plusieurs voyages.

Mais j’aime mieux être dehors.

Cette nuit, on a bien discuté avec le fantôme, il m’a demandé de faire une prière pour lui quand j’irais à l’église, mais moi je lui ai expliqué que je pouvais en faire une dans ma chambre parce que Dieu entend tout, partout, total, on a fini à genoux tous les deux, et on a prié ensemble, l’un pour l’autre !

Après il m’a raconté Versailles, la galerie des glaces, la chambre du Roi, le hameau de la Reine, les fêtes, les feux d’artifices, les bals, les dîners fins, avec plein, plein de convives, le Roi qui part se coucher de bonne heure, fatigué par une journée de chasse.

Son père au côté de Louis, la mort atroce du Dauphin, le chagrin immense du souverain, Marie-Antoinette et ses robes superbes !

Sa mère timide, parmi tous ces grands, mal à l’aise, mais faisant le maximum pour tenir son rang !

Son rang de Duchesse ! Elle, elle n’est pas fantôme, si bien qu’il ne l’a jamais revue.

Mais il aime mieux qu’elle se repose, parce qu’il paraît que fantôme c’est très dur, ils dorment jamais, ils se promènent tout le temps, pendant des siècles.

En plus mon copain le fantôme, il est bien habillé, comme à son époque.

Il s’appelle Baptiste !

Moi je m’appelle Alexandre Meunier !²

Meunier, comme mes parents.

Son père nous a rejoint tard dans la nuit, j’ai du mal à mis faire, de le voir arriver avec sa tête sous le bras, mais enfin on a passé une bonne nuit, ce qui est bien c’est que les nuits passées à veiller avec eux, et bien ça me fatigue pas, le matin je suis tout frais, même sans dormir !

Dans la journée, je les vois pas, Baptiste m’a expliqué que les fantômes n’aiment pas la lumière du jour, alors ils se cachent !

Mais des fois, Baptiste vient me voir quand même le jour, lorsque je suis trop malheureux, même une fois au collège, ce qui est exceptionnel !

Parce qu’ils n’ont pas le droit de quitter le lieu qu’on leur demande de hanter.

Mon père apparaît sur le pas de la porte, il me regarde, sa barbe a poussé, il a du mal à se réveiller, je sens qu’il est de mauvaise humeur, je baisse la tête c’est mieux !

Et je continue à pousser la brouette chargé de bois.

Repas.

                        J’ai mis le couvert sans rien oublier, surtout la bouteille de vin, j’ai fait réchauffer des plats surgelés que ma mère a préparés avant de partir.

Pour l’entrée, il a une boite de pâté.

On ne se parle pas, d’un geste mon père me fait signe de monter dans ma chambre, il me tend une assiette avec du pâté, c’est tout ce que j’aurai pour midi !

Une fois dans ma chambre, je me sens soulagé, j’aime plus du tout être en sa présence.

J’ai honte de ma peur !

Quand je pense qu’aujourd’hui je devais aller chez ma grand-mère, mais il a annulé au dernier moment, parce que il avait trop besoin de moi, moi je suis sûr que c’est parce qu’il ne veut pas que je m’amuse là-bas.

J’irais dimanche prochain.

Tant pis !

Cet après-midi, je vais rester dans ma chambre, je vais rêver, réfléchir.

Faire un peu mes devoirs !

Pour pas avoir trop de punition, j’ai assez chez moi !

Vers cinq heures, je commencerais à m’occuper des bêtes, comme ça je finirai tôt.

Je sors de l’étable, il fait noir, ma lampe de poche fait un halo dans la brume de froid.

Il a arrêté de neiger, mais le gèle a pris le dessus, je vais drôlement avoir froid cette nuit.

Une nuit pas comme les autres ?

                        J’essaie de dormir déjà depuis un petit moment, mais j’ai plein de choses dans ma tête !

Aujourd’hui au collège, tout a été différent, j’étais comme sur un nuage, rien qui ne pouvait m’atteindre, j’aimais tout le monde, et je crois que tout le monde m’aimait.

C’était le dernier jour de bahut, bientôt Noël !

Il me semble que j’ai dormi longtemps, c’est Baptiste qui me réveille, il a un truc à me faire voir, mais pour ça il nous faut prononcer une formule magique, je commence à bien la connaître, ça fait plusieurs fois que nous voyageons dans le temps.

Aujourd’hui, il veut m’emmener au temps de son temps !

« Que le temps ouvre ces couloirs, et nous emportent chez Louis le XVI ème » !

Décidément j’ai pas de chance, on arrive direct à la conciergerie, j’aime pas c’est sombre, sale, que des gens qui attendent leur tour pour être emmenés à la guillotine !

Il y a des hommes, des femmes, je reconnais Danton, il revient du tribunal révolutionnaire, aphone et condamné ! St Juste aussi et d’autre encore !

Baptiste se promène comme chez lui, bonjour par ci, salut par là, toujours avec une petite courbette respectueuse.

Monsieur le comte, monsieur le duc, cher prince, etc…

Je voudrais bien changer d’endroit et surtout d’époque.

J’en fait la demande à Baptiste.

Nouvelle formule magique, et nous voilà à Versailles, sur qui on tombe son père, le duc, toujours la tête à la main, mais toujours pas sur les épaules.

C’est pratique parce que, Baptiste parle à l’oreille de son père qui se trouve être à sa hauteur ?

On se trouve dans la galerie des glaces, les gens se promènent tout en discutant, en murmurant, je n’arrive pas à comprendre ce qu’ils se disent, dommage !

Je fais comme tout le monde, j’arpente la galerie !

C’est magnifique, mieux qu’en photos !

Arrivé au bout, on prend la direction des jardins, moi j’aimerais bien aller jusqu’au hameau de Marie-Antoinette.

Je me réveille en sursaut, cinq heures ; Oui mais c’est les vacances, je peux me lever plus tard, encore une heure !

En même temps que je pensais avoir fait un drôle de rêve, Baptiste m’apparaît.

Il me demande ce que je pense de notre voyage de la nuit ?

Moi qui croyais avoir rêvé ?

Je commence à avoir un peu peur de tout ça !

Je peux en parler à personne en plus !

Ils me prendraient pour un fou.

Du coup je m’attarde pas, je file à la cuisine, je me fais un chocolat chaud, et hop, l’étable.

Dehors il fait toujours nuit, il a gelé très dur, le vent est cruel, vif !

Je me réveille complètement, la journée commence vraiment, et elle va être longue.

Je suis obligé de gratter la neige pour ouvrir la porte.

Les bêtes meuglent en m’entendant arriver.

Une fois à l’intérieur, je sens la chaleur animale, il fait plus doux ici que dans ma chambre !

Malgré le travail, je n’arrive pas à penser à autre chose que ma nuit !

Je ne vois pas Baptiste, mais il me parle dans ma tête.

Je l’aime bien, ça me fait de la compagnie.

Cette année Noël tombe un vendredi, je partirai dimanche chez ma grand-mère, enfin normalement ?

J’ai droit d’y passer douze jours !

J’attends avec impatience, le temps n’avance plus depuis la bonne nouvelle, en plus j’ai peur qu’ils changent d’avis ?

On sera en famille pour faire la fête, je vais revoir François mon cousin, sa sœur Mélanie, et puis Fred, le fils d’une autre tante, et d’autres encore, mais que je connais moins bien.

On s’entend bien tous entre enfants, on joue, on rigole, des fois on s’engueule, mais en tout cas, je suis loin, très loin des corvées, et de la haine de mes parents !

Ma grand-mère est sympa, comme elle sait ce qu’y se passe chez moi, elle fait tout pour me faire plaisir, comme pour excuser son fils.

J’ai droit à des tartes, enfin je veux dire des gâteaux, presque à tous les repas, je mange à table avec tout le monde, on discute tous ensemble.

Heureux !

Ce qui me manque quand même, c’est mon ami le fantôme, en plus il me reproche de le laisser tomber, ça me rend triste, mais cette fois si je peux je l’emmènerais avec moi !

Donc on mange bien, on s’amuse bien, on dort bien, et je fais rien !

Du coup, quand je rentre chez moi, c’est encore plus dur, que si je n’étais pas parti.

Ma grand-mère habite un hameau d’une dizaine de maisons, c’est dire si nous les enfants, on a de l’espace pour vivre.

Mamie, a gardé la ferme qui lui vient de son mari, elle se voit pas aller habiter ailleurs, c’est normal, cette ferme c’est toute sa vie, en plus avec sa retraite pour manger faut qu’elle continue à travailler un peu, par exemple elle a toujours un grand potager, quelques poules, des lapins, des canards bien sûr, deux vaches, et un cochons.

Bien sûr c’est pas beaucoup, mais ça lui permet de vivre un peu mieux.

Mais c’est quand même du boulot, surtout pour une vieille !

L’autre nuit avec Baptiste, on est allé voir Louis XIV, c’est autre chose que le seize, par contre Versailles était en construction, on était dans la boue jusqu’aux chevilles, franchement Versailles en construction, quand on l’a pas vu fini, et ben c’est très moche.

Louis XIV était entouré de Marie Mancini, de Louise de la Vallière, sa femme aussi, la première, Marie-Thérèse d’Autriche, Madame de Montespan, et sa mère Anne d’Autriche ! Bien sûr, moi je les reconnais pas tout seul, mais Baptiste m’explique tout au fur et à mesure, en tout cas ça fait drôle de voir toutes ces grandes dames, avec leurs grandes robes traînant dans la boue.

Visite de chantier !

Il va être dix heures,on rentre dans l’église, devant nous des gens, derrière aussi.

C’est la messe de minuit, (si on peut dire), on passe devant une super crèche vivante, vraiment super.

Après on va s’installer sur un banc, c’est une petite église de campagne, mais très belle.

Une fois assis je me retourne, l’église est pleine.

Le curé, et les enfants de cœur peuvent entrer en scène.

Il nous parle (le curé) de la paix, de l’amour, l’amour je connais que le mot, mais enfin c’est déjà ça, lui il parle de l’amour dans le monde, et moi connement je ne pense qu’à l’amour qui me manque, bref, ce con il me fait chialer je sais plus où me mettre ni quoi regarder, d’autant que grand-mère vient de tourner son visage vers moi, et je crois qu’elle aussi à la larme à l’œil.

Pour moi ?

Pendant que le curé parle, je pense aussi au repas que l’on va faire !

C’est la première fois que j’ai droit d’aller chez mamie pour Noël, d’habitude ça se passe (mal) chez mes parents.

Tous les trois, mais pas de cadeau, ni de repas spécial, juste comme d’hab.

Chacun des invités a amené quelque chose, si bien que ça va sûrement être un grand festin, il y aura aussi des cadeaux, mais là je sais pas si j’en aurai, d’abord parce que mes parents ne viennent pas et ensuite parce qu’ils n’ont pas l’habitude de m’en faire.

En plus demain, j’ai treize ans.

Je pourrais être heureux, je pourrais !

Tous les enfants de ma grand-mère sauf mon père, et petits enfants sont là, sauf mon frère !

Ça fait du monde !

Mamie a eu six enfants, alors y en a qui viennent en couple, et d’autres en célibataire.

C’est sûrement ça le bonheur ?

Surtout que tout le monde s’embrasse se fait des sourires, on parle fort des fois, en même temps aussi, tout le monde raconte des histoires chacun veut dire la plus drôle, c’est de grands éclats de rires qui fusent dans tous les sens ? Tout un monde d’amour et de joie, de félicité, que j’ignorais, moi enfermé dans la haine et le chagrin.

Je voudrais que jamais ça s’arrête, que cette soirée dure toujours !

Le sapin est magnifique, faut dire que mamie met un point d’honneur à la décoration du sapin mais aussi de toute la pièce.

Même dehors elle a décoré l’arbre de la cour !

Le sapin a, à ses pieds un tapis de cadeaux, j’ose pas trop regarder si il y a mon nom, mais je peux pas m’empêcher de chercher du coin de l’œil, sans vraiment d’espoir, mais quand même, avec un petit quelque chose au cœur !

Dans la salle à manger deux tables, une pour les adultes, l’autre pour les enfants.

Toutes les deux super décorées, il y a même plusieurs assiettes par personne !

Des branches de sapin traversent les tables sur toute leur longueur, de temps en temps séparées par des boules de couleurs, des petits personnages aussi le père Noël bien sûr, mais aussi des bûcherons, des nains, tout ça compose ce que mamie appelle un chemin de table.

À notre table, on est six enfants et ados.

Tout le monde s’assied pour l’apéritif, champagne, enfin mousseux plutôt, j’y ai droit moi aussi parce que je suis l’aîné des petits enfants !

Après les huîtres, on passe au pâté fait maison, j’ai déjà du mal à avaler, j’ai pas l’habitude de manger autant, bien que je me sois entraîné depuis que je suis en vacances !

En plus je sais qu’il y a plein de choses après, faut que je garde de la place.

Une dinde, avec marrons, c’est pas que j’aime trop le goût du marron, mais je m’y ferais, après fromages et dessert, de la bûche, alors là les bûches, y en a à plusieurs parfum !

Pour moi ce sera chocolat, à n’importe quoi du moment que y ai du chocolat !

Après, les adultes vont se retrouver vautrés dans leurs chaises, le temps de boire un café, tout en fumant, cigarette ou cigare, en même temps que le café la petite goutte, obligatoire !

Quand je dis la petite goutte, je dis comme eux, ils parlent toujours d’une petite goutte, mais en vrai c’est souvent plus !

Nous en attendant on joue, en fait on est tous surexcités, quand les grands seront prêts, on va chanter tous en cœur, des chants de Noël, en famille, chouette !

Devant la cheminée tous rassemblés, important.

Le sapin sur le côté, les cadeaux à ces pieds !

Baptiste me manque, mon confident des moments si dur, mon copain d’humiliation et de douleur !

Ce serait normal qu’il assiste, avec moi aux festivités, je sais bien qu’il ne mange pas, mais il pourrait participer à la gaîté générale !

Il y a une assiette de crottes en chocolat, auxquelles on pourra toucher qu’après les chants, il y a longtemps que je l’ai visé.

Personne n’a intérêt d’y toucher, je veille !

Ma grand-mère ne peut pas s’empêcher, elle se lève de table pour débarrasser, tout mettre à la cuisine, elle est bientôt suivi par quelques femmes, mais y en a une elle peut plus bouger, raide, si elle se lève elle tombe, déjà ça m’étonnerait qu’elle tienne encore longtemps sur la chaise, elle penche dangereusement, de temps en temps elle donne un petit coup de rein, pour rétablir l’équilibre, mais y a bien un moment ou ce sera trop tard !

Avec mes cousins on parie sur le temps qui lui reste à passer sur son siège ?

Une qui gueule, c’est ma cousine qui veut pas qu’on se foute de la gueule de sa mère, elle nous dit qu’elle a pas bu, mais qu’elle est malade.

J’ai un oncle qui a défait sa ceinture, comme il est prudent il a aussi des bretelles !

Dans les fermes on est toujours prévoyant !

Un autre est en train de raconter une partie de chasse, tout le monde s’en fout, mais lui il est dans son conte et rien ne lui fera renoncer à se raconter son histoire !

Sa femme assise à côté de lui, secoue la tête, d’un air de dire qu’elle en a marre d’entendre toujours la même chose.

Moi je rigole, je suis comme un spectateur devant une pièce de théâtre, j’admire les acteurs, je m’amuse beaucoup de les voir vivre devant moi, sans honte, sans se poser de questions, la vie simplement, chacun fait son petit cinéma.

S’ils savaient tous ce que leurs enfants me racontent, fâchés qu’ils seraient ! Très fâchés.

Enfin eux ils ne tapent pas leurs enfants, c’est déjà ça !

Mais chacun d’entre eux ont leurs petits défauts.

La table est débarrassée, tout le monde est à nouveau réuni dans la salle à manger, j’en profite pour m’absenter, et aller finir quelques verres ; pas tout à fait vides, j’ai bien aimé le vin, et je veux en reboire un peu !

J’ai la tête qui tourne, on a bien chanté, il est tard, j’ai hâte de me coucher !

Je monte me coucher, on est plusieurs par chambre bien-sûr, la maison est grande mais quand même.

Tous les garçons dans la même.

D’habitude, c’est le chahut, mais ce soir, je pense que ça va être plus calme !

Faut dire qu’hier au soir on a fait une incursion commando dans la pièce des filles, elles ont pas aimé, enfin c’est ce qu’elle disent, parce que je suis pas sûr que c’est vrai ?

Y en a une qu’est drôlement contente de me voir même qu’elle me colle, les autres nous traitent d’amoureux, intelligent, moi je l’aime pas plus que mes autres cousines, mais ça fait drôlement du bien de se sentir aimé, drôlement du bien, ah oui !

Alors je fais plus attention à elle, je suis un peu aux petits soins !

Mais les autres nous foutent pas la paix !

Jaloux ; ils sont jaloux.

Mais quand même tout le monde est très gentil avec moi, à croire qu’ils se sont passés le mot, qu’ils connaissent ma situation !

Je réfléchis à tout ça, allongé sur le lit, un cousin vient me rejoindre, mais j’ai plus envie de discuter, toute façon il s’allonge lui aussi fatigué, il se déshabille pas, il se met dans les draps comme ça, faudrait pas que la grand-mère s’en aperçoive !

Je me réveille, je suis plus fatigué du tout, devant moi debout Baptiste, j’ose pas lui dire combien je suis heureux de le voir là, devant moi !

-         Allez debout, c’est l’heure !

Je regarde l’heure à la pendule, trois heures et demie.

-         L’heure de quoi, je lui réponds ébahi ?

-         L’heure de donner un coup de main au père Noël !

-         tous les ans, nous autres les fantômes nous aidons le père Noël à faire sa tournée, comment crois-tu qu’il peut faire tout seul, et je t’ai choisi pour m’aider !

Je me pince quand même pour être sûr, parce que là je me pose des questions, beaucoup de questions ?

Je me les pose qu’à moi, parce que docilement sans vraiment le décider je le suis, on passe par la fenêtre je descends comme lui tranquillement dans le vide, doucement jusqu’au sol.

Là effectivement un grand traîneau nous attend il est rempli de paquets, les rennes devant piaffent d’impatience.

Pour l’instant je renonce à comprendre je fais ce qu’on me demande !

Et d’un coup, j’ai cette question complètement stupide,

-         Est-ce qu’on verra le père Noël ?

Je m’entends dire ça, c’est vraiment moi qui ait dit ça ?

J’en reviens pas !

En tout cas c’est génial, voler en traîneau, sensations extrêmes.

On dépose les colis commandés dans les maisons, faire du bien extraordinaire !

Je pense à tous ces enfants qui demain, vont se réveiller devant ces paquets.

Émerveillés ! Des rêves plein la tête, croyant au père Noël, à ce vieillard à barde blanche qui les a comblés !

On vole au dessus des villages, on dirait des cartes postales de bonne année, des toits tout couvert de neige, l’église souvent au milieu des bourgs, ça me rappelle une lecture sur un Baron qui avait attaché son cheval à un bout de fer planté dans la neige, en fait le lendemain matin tout avait fondu et il s’est rendu compte qu’il avait attaché son cheval au clocher de l’église.

Quand on rentre, je suis même pas fatigué, on a l’impression que le temps s’est arrêté, d’ailleurs en jetant un coup d’œil à la pendule je m’aperçois qu’il est trois heures et demie ?

Tout le monde est descendu, tout le monde est là à chercher ses cadeaux, les enfants d’abord, moi je regarde le bonheur des autres, je ne suis plus pressé de découvrir si j’ai des paquets !

Ce ne sont que cris de joie et rires de contentement !

On me pousse dans le dos, je me retourne, ma mamie qui me fait signe de chercher, moi aussi !

Peut-être jamais je retrouverais ce moment de bonheur ? On a pensé à moi !

Et plusieurs fois même !

La salle est devenue un vrai fouilli, des papiers, des boites, des jouets jonchent le sol, c’est une vraie salle de Fête !

Je vais faire un tour dehors, il a reneigé, toutes traces de cette nuit effacées, ni piétinements de rennes, ni empruntes de traîneau.

J’avance dans la neige, peut-être je rêve trop ?

Je marche, j’aime marcher dans la neige, j’aime ce décor, les arbres recouvert, les branches qui ploient sous le poids, la ligne électrique qui arrive de la route jusqu’à la maison, dont les câbles sont surélevés de blancs, comme un soulignement à l’envers !

Les bêtes dans l’herbage, sur le côté droit du chemin, qui meuglent envoyant dans l’air des petits nuages d’haleine chaude !

J’ai froid, j’aurais dû mettre un blouson !

On m’appelle, derrière moi quelqu’un crie mon non, mais je peux pas me retourner, j’ai le visage trempé par le bonheur !

Avec le froid je vais avoir des glaçons sur la figure !

Comme c’est la voix de l’un de mes cousins, je lui présente un doigt sans me retourner.

Baptiste m’inquiète, peut-être je deviens fou, peut-être c’est juste mon imagination, pourtant quand il est là, je n’ai aucun doute sur sa réalité.

Ce qui m’inquiète aussi, c’est que jusqu’à présent, on ne se voyait que dans ma chambre, maintenant plus ça va plus il me suit partout, il est peut-être là à côté de moi à m’espionner ?

Qui sait ?

Je fais demi tour, mais par jeux, je mets mes pas dans les traces que j’ai laissé à l’allé.

Ça fait drôle, c’est comme si je venais de nulle part ?

À midi, on fête mes treize ans, mamie a voulu qu’on le fête à part de Noël, donc repas spécial « Alexandre » !

Dans cinq ans, je pourrai quitter la maison !

Enfin !

Les vacances ont passé vachement vite, entre les jeux, les repas, les confidences entre cousins, cousines, les courses folles dans la neige, les boules et les bonhommes de neige !

Les batailles, d’un côté les filles, de l’autre les garçons !

Le plus rigolo avec les filles dans les batailles, c’est le moment du corps à corps ?

J’aime !

Beaucoup !

Quand il fait trop froid, on fait des jeux de cache-cache dans le grenier, ça aussi c’est bien, moi je me cache toujours avec ma cousine, Mélanie, ma préférée, et là on peut partir à la découverte de nos corps !

Extra !

Les autres au bout d’un moment gueulent qu’ils donnent leur langue aux chats et qu’on peut sortir de notre cachette !

Mais nous, notre langue, c’est pas aux chats qu’on la donne, je vous jure c’est bon !

Malheureusement, finis les vacances, je vais reprendre des baffes, et le collège !

Bonheur !

J’étais tellement heureux, j’avais tellement de temps devant moi que j’ai même pas fait mes devoirs, je me suis aperçu qu’il était trop tard !

Quitte à être collé, autant rien faire du tout, à un moment j’avais bien pensé survoler les leçons, mais à quoi bon !

Me voilà dans le car, pour le retour.

Il y a un peu de monde.

Des enfants qui racontent leur Noël, leurs cadeaux, ils ont l’air content de reprendre l’école !

Moi mes cadeaux, je les ai laissés chez grand-mère, autrement mes parents vont me les enlever !

Je les retrouverais de temps en temps.

Le temps d’un week-end !

De retour à la ferme, je me dépêche de ranger mes affaires dans ma chambre, ma mère m’a déjà demandé de m’occuper des bêtes.

Le travail me fait pas peur, j’ai l’habitude, je suis même assez content de retrouver mes vaches, j’ai plein de choses à leur raconter.

Je n’ai pas revu Baptiste depuis la nuit de Noël ?

Le bonheur m’a rendu égoïste !

Je me change en vitesse, je retrouve mes vêtements sales, j’avais presque oublié l’odeur !

J’ai pas encore vu mon père, plus il rentrera tard, plus il sera bourré !

Plus il rentrera bourrer, plus je vais en prendre plein la gueule !

Normal, qu’on fête mon retour ?

Vive Alexandre ?

J’ai peur !

Je passe devant le tas de fumier, une chaude vapeur le survole, j’entre dans l’étable, elles sont toutes là !

La litière n’a sûrement pas été changée depuis mon départ, ça fouette grave !

Aller au boulot, je distribue la nourriture dans les mangeoires pour les faire tenir tranquilles, je prends mon petit siège à un pied, mon seau, et je m’installe à la première bête, elle s’appelle Margueritte comme elle est très chiante à traire, moi je l’appelle Nadine, c’est le nom de ma mère !

En plus, elles sont aussi grosses toutes les deux !

Demain faudra que je cure l’étable, ça sent vraiment trop mauvais.

Les pauvres vaches, vivre là dedans c’est dégueulasse !

Rentrée des classes, français, ma meilleure matière ?

Deux heures, maintenant elle me laisse lire, j’amène un bouquin et elle me laisse, je m’occupe absolument pas du cours, ça m’intéresse pas !

En ce moment je lis le Bossu, de Paul Féval, moi aussi un jour je ferais justice ?

Une fois par trimestre, la prof me demande de faire un devoir d’évaluation.

J’accepte pour lui faire plaisir !

Mais j’ai pas besoin d’elle pour connaître ma note !

Hier au soir, mon père est rentré très tard, j’étais couché !

Ça là pas empêché de me réveiller pour m’en mettre une, et comme je lui ai beaucoup manqué, j’ai drôlement dégusté, il m’a cassé une dent, total, j’ai très mal, en plus dur pour parler !

J’ai la joue toute violette !

Dans la cour y en a qui me demande ce qui m’est arrivé, je hausse les épaules.

C’est la première fois que les autres me demande ce qui m’est arrivé !

J’en suis au moment où le bossu fait signer un papier sur sa bosse, quand on frappe à la porte !

Un surveillant rentre et tend une feuille à la prof !

-         Alexandre Meunier, directeur !

M’aurait étonné que ça me tombe pas dessus !

-         Monsieur Meunier, certains professeurs,m’ont fait part de leurs inquiétudes, sur votre santé ? En effet il trouve surprenant que vous ayez souvent des marques sur le visage, ou ailleurs.

Encore ce matin vous avez la figure violette ?

Vous ne voulez pas répondre ?

C’est une de vos camarades qui m’a prévenu tout à l’heure, elle aussi s’inquiète.

En plus vous ne parlez à personne, vous n’avez aucun échange avec les autres, vous ne suivez plus du tout en cours.

Vous refusez même de travailler dans certaines matières, français, sport, art plastique, musique, et peut-être que j’en oublie ?

Si vous avez un problème, n’hésitez pas à m’en parler, peut-être au collège certains élèves vous ont fait des menaces ?

Toujours est-t-il que je me vois contraint d’en référer à l’assistante sociale, je ne peux laisser la situation t’elle qu’elle est, vous tombez beaucoup trop souvent dans l’escalier, et vous vous cognez aux meubles plus souvent qu’il n’est possible d’accepter !

Voilà, puisque vous ne voulez rien me dire, vous pouvez retourner en cours, moi je vais convoquer vos parents !

Quand j’entre dans la classe silence total, ils semblent tous au courant du pourquoi de ma visite chez le directeur !

Tous ont le visage tourné vers moi, laquelle de ces filles m’a dénoncé, je sais pas ?

Mais maintenant je suis dans la merde !

Parce que chez moi ça va être la grande fête !

Je crois que j’ai intérêt de me barrer, mais où ?

Chez grand-mère, je serais tout de suite repéré !

Alors ?

Je vais m’asseoir comme si de rien n’était, je reprends ma lecture là où je l’avais laissée, le cours a repris, l’insouciance des autres aussi.

Moi j’ai les larmes plein les yeux, ça coule sur mon bouquin, j’arrive plus à me concentrer pour me retenir.

Je profite de l’inter-classe pour me barrer !

J’abandonne mon sac dès la sortie du bahut, le long du mur d’enceinte !

La ville n’est pas grande, et j’en suis vite sorti, j’ai pris par habitude la route de la ferme, mais à mi-chemin je tourne vers le bois des sorcières, paraît qu’autre fois il était habité par des sorcières, y en a qui y croit encore, surtout les vieux !

Ce bois je le connais par cœur, ce qui fait que je vais peut-être pouvoir y rester un moment à l’abri ?

Il n’est plus question que je rentre chez moi un jour !

Je sais que dans le bois il y a une cabane construite par les enfants du bourg voisin, je pourrais au moins m’abriter du vent, qui est glacé en cette saison, vent du nord !

Et puis là au moins je suis pas loin de chez moi, à la nuit tombée je pourrais allé prendre de la nourriture !

Mais après je crois qu’il faudra que je me casse plus loin, le plus loin que je pourrai !

La nuit est tombée, je suis pas rassuré, en plus j’ai froid, je vois les lumières de la ferme qui font un halot dans la nuit, il va falloir attendre.

J’ai l’impression qu’ils ont attendu le dernier moment pour s’occuper des bêtes, ils devaient espérer mon retour !

La neige est dure, donc il fait en dessous de zéro.

J’ai les pieds comme de la glace, je finis par plus les sentir tellement j’ai mal !

Je vais retourner dans ma cabane, il vaut mieux que je revienne en pleine nuit, ce sera plus sur !

Tout le sol de la cabane a été garni de paille.

Une grosse épaisseur, ça va me permettre de faire du feu en ramassant des branches mortes !

Le seul problème ça va être, ou des allumettes ou un briquet, j’en ai un dans ma chambre, mais faut aller le chercher !

Je me réveille, j’ai tellement froid que je me sens bien !

J’ai du mal à me forcer à me lever !

Mon bien être me fait peur ?

Une fois debout je fais des mouvements pour me réchauffer.

Je sors, et maintenant je me sens fort !

Comme si rien ne pouvait plus m’arriver !

Redirection de la ferme !

De retour chez moi toutes les lumières sont éteintes !

Je m’approche de la maison doucement, j’ouvre la porte de derrière, celle qui ne ferme pas à clef.

Je tourne doucement la poignée, aucun bruit.

J’ai quand même peur qu’on m’attende !

Une fois à l’intérieur, je me calme, j’essaie d’écouter les bruits de la maison.

Un ronflement violent m’indique que mon père dort !

Je monte à l’étage, dans ma chambre y chercher le briquet, ensuite je redescends, et je passe par la cuisine histoire de prendre quelques provisions.

Pas grand choses, il n’y a jamais eu grand-chose dans le frigo.

Je sors aussi tranquillement que je suis entré, preuve que ma fugue les inquiète !

En passant devant le poulailler, je me dis que ça me ferait bien mon affaire.

Mais je connais les poules, dès qu’on les inquiète elles gueulent, donc je me rabats sur les lapins !

J’en prends un par les oreilles !

Je sais comment on fait pour les tuer, c’est toujours moi qui en suis chargé d’habitude !

Un grand coup derrière la tête et il ne bouge plus, juste quelques secondes de spasme, et terminé !

Je vais me le faire rôtir, j’en ai la salive qui me coule sur le menton, comme quand j’embrasse ma cousine Mélanie, langue contre langue !

Je vais enfin pouvoir manger et me réchauffer !

J’approche de la cabane, quelque chose d’insolite me met en alerte, la nuit n’est pas assez noire, plus j’approche plus je m’aperçois qu’il y a quelque chose d’étrange !

J’avance doucement faisant attention de ne pas faire de bruit, et je vois des adultes, avec des lampes, qui cherchent, et je me doute de ce qu’il cherche !

Moi !

Mes parents dorment, tranquilles, pendant que des étrangers me recherchent ?

Mais peut-être je me trompe ?

En attendant je me trouve comme un con, le lapin mort que je tiens par les oreilles, le briquet dans ma poche, et plus d’endroit pour le faire cuire !

Je m’enfonce dans la forêt, côté opposé à la ferme !

Au bout d’une heure de marche environ, je me sens à l’abri, je m’arrête.

Je décide de passer le reste de la nuit là !

J’essaie de faire du feu, mais c’est pas possible, tout est gelé mouillé, j’ai rien pour faire prendre un feu !

Le lapin est mort pour rien !

Je sort de la cabane, il fait jour il est au moins dix heures, vu l’emplacement du soleil dans le ciel !

Qu’est-ce que je vais faire, je ne peux pas rester là, je vais me faire repérer très vite.

En plus faut que je trouve à manger, ça devient une urgence !

Je sais qu’on doit me rechercher, je suis pas fou, aussi j’ai intérêt à ne jamais prendre les routes, mais à me déplacer uniquement à travers champs.

Je sais quand prenant à droite sortie du bois je tomberai sur la ferme des Duhamel, avec un peu de chance je pourrais approcher sans me faire voir et peut-être voler de la bouffe ?

À cette heure là le mari est aux champs, et comme la voiture est pas là, je suppose que sa femme est partie en course ?

Je peux tenter ma chance par l’arrière de la maison, là où se trouve la cuisine !

Voilà j’avais raison, je peux faire quelques provisions !

Merci les Duhamel, quand je pense que leur fils m’a fait chié pendant deux ans au bahut, j’hésite moins en pensant à lui !

Je suis même assez fier !

J’aimerais même qu’il sache !

Bon maintenant arrache toi de là mon vieux, pourrait arriver quelqu’un.

Je prends la direction du village voisin, huit kilomètres par la route, mais à travers champs je dois gagner pas mal ?

Allez en avant !

Faut que je trouve un coin pour ce soir, pour dormir ?

Ça fait plus d’une heure maintenant que je marche, je croyais bien que ce serait plus facile que ça.

Mais le froid est toujours bien présent, et il faut que je contourne les haies, et que je passe entre les barbelés des clôtures !

Au loin, enfin des maisons, grâce au temps qu’il fait, je n’ai rencontré personne depuis mon départ, par contre maintenant je suis à moins de cent mètres de la route, et là ça circule pas mal !

J’essaie de faire comme si j’avais la conscience tranquille !

Je connais bien le village où j’arrive, je sais qu’en le contournant par le nord je vais l’éviter pour tomber sur un hameau, et là je sais où je pourrais passer la nuit !

Si Seulement Baptiste venait m’aider ?

Il viendra !

Mais quand ?

Il est une heure, enfin treize heures, j’ai tout l’après midi à attendre.

J’ai repéré une grange pleine de foin, j’y serais bien mais faut que j’attende la nuit !

Je m’éloigne un peu de l’endroit pour ne pas attirer l’attention.

Une petite fosse qui accueille les ordures ménagères est entourée d’arbre, je pense pour éviter que le vent dissémine les ordures, bref, ça me fera un petit coin tranquille, le vent et toujours du nord et évidemment très, très froid !

Je suis fier, plus de vingt quatre heures qu’on me recherche, pour moi c’est un succès !

Il faudrait que je tienne, janvier est froid mais février sera comme tous les ans encore plus dur !

Six heures, je tente ma chance, après tout je pourrais toujours me cacher entre deux bottes de paille.

Et puis j’ai hâte de me mettre au chaud, je sais pas si vous avez déjà dormi dans du foin ou de la paille, mais franchement c’est bon même l’hiver !

Et puis j’ai l’habitude !

En m’enfouissant dans le fourrage je pense à cette fille qui s’inquiète pour moi, ça me fait du bien de savoir que quelqu’un m’aime peut-être ?

Mais je voudrais bien savoir qui c’est, avec ma chance c’est sûrement une moche ?

Mais une moche avec beaucoup de cœur !

Si jamais je me fais prendre, qu’est-ce qui va se passer ?

Un foyer ou mon foyer ?

Je crois que si je suis obligé de rentrer chez eux, je décrocherai le fusil !

Je pourrai plus accepté.

Demain je reprendrai la route, vers Viallers, j’aime bien cette petite ville, c’est là qu’on vient vendre ou acheter nos animaux.

J’ai un peu peur parce que sale comme je suis je risque de me faire attraper assez vite, le mieux ce serait une ville assez importante, Évreux, par exemple, mais j’en ai au moins pour trois jours de marche ?

À condition de pas être trop fatigué, faut que je m’économise !

Je sais que c’est faisable !

Et puis il faut que je marche, c’est le seul moyen de me réchauffer !

Et là dans une grande ville, faudra déjà me remarquer, par contre pour trouver un abri ce sera moins facile ?

Voilà Baptiste, je pense consciemment que je dors.

On se dit bonsoir comme à chaque fois qu’on se voit, il me parle, il m’explique que je ne pourrais pas aller bien loin, et qu’il vaudrait mieux que je me rende, mais moi je peux pas, j’ai rien fait !

Pour cette nuit, pas de visite dans le passé, juste il me fait la morale.

Je me réveille d’un coup, j’ai entendu, Baptiste est toujours là, mais le fermier, enfin je pense que c’est lui, viens chercher du foin !

Je me fais tout petit !

Le plus petit que je peux !

Je respire au ralenti !

Mon cœur fait un bruit d’enfer !

Mais rien ne se passe !

Il prend une botte et s’éloigne !

Ouf ! Sauvé pour un coup !

Bien que j’ai pas l’impression de faire quelque chose de mal ?

Le calme est revenu, je me rallonge, j’espère cette fois pouvoir dormir jusqu’à demain, et si Baptiste pouvait en faire autant ?

Je n’ai pas envie de rigoler, je ne veux pas raconter mon histoire d’autant qu’en tant de fantôme il est sûrement déjà au courant !

Il doit être tôt mais je ne peux rester à attendre comme ça, le fermier va sûrement pas tarder à venir dans la grange, et je n’aurais pas la même chance qu’hier au soir.

D’abord parce qu’il fait jour et qu’il aura moins de mal à me trouver même sans me chercher.

Il me faut encore me déplacer !

Dommage, j’étais bien dans cette grange !

J’entends caqueter derrière moi, une poule est venue visiter le hangar, une chance si je sais m’y prendre ?

Et je sais m’y prendre, j’avance doucement, en l’appelant, petit, petit, je connais les poules, c’est très con ! Moins qu’un canard mais quand même ?

‘Fectivement , elle me regarde et me laisse approcher, je ramasse quelques brins de paille et lui tend, curieuse elle lève le coup, penche un peu la tête, et attend, j’approche toujours lentement et la mains en avant, et au dernier moment je plonge !

Je la rate pas, j’ai pas le droit de la rater !

Je lui tords le coup, j’n’aime pas trop, mais faut savoir ce qu’on veut, et moi je veux manger à midi !

La bête gesticule un peu, mais moi j’ai l’habitude à la ferme, donc elle a pas trop la chance de son côté !

Après une dernière secousse, une dernière raideur, elle se laisse aller ; moment jouissif pour moi, j’aime pas faire ça, mais quand c’est fini, je ressent un immense bonheur, quelque chose qui monte dans mon intérieur ? Et d’un autre côté une immense pitié !

Mais il fallait le faire !

Il est temps que je me casse !

Parce que là il y a vol !

Je reprend donc la route, direction Évreux, toujours à travers champs, passer inaperçu le plus longtemps possible !

Là pour moi c’est plus dur, parce que je connais pas bien, faut donc que je garde l’œil sur le bitume au loin pour ne pas me perdre !

Et encore et toujours, prévoir un coin pour la nuit !

Un gîte abrité !

Pour l’eau c’est pas un problème, il y a souvent des robinets aux bords des herbages, pour remplir les abreuvoirs des vaches, je sais qu’il n’y a pas de soucis de ce côté-là !

À midi j’arrive à la hauteur d’un petit bois, j’y entre me cacher et surtout me reposer et trouver de quoi faire du feux, pour faire cuire le poulet qui se balance sur mon côté attaché à ma ceinture.

J’ai ramassé du petit bois mort, j’ai trouvé du papier qui a servi à des choses très intimes mais faut pas que je fasse le difficile, avec mon briquet à force d’insister j’arrive à mettre le feu aux papiers, et je finis par enflammer le petit bois, j’espère seulement que j’aurais assez pour faire cuire mon bestiau ?

Après avoir mangé moitié cru, je visite un peu les alentours, je trouve une cabane à outils, enfin je suppose vu la taille, malheureusement y a un cadenas !

Va falloir que je le fasse sauter, en vrai je suis tellement fatigué, que j’ai pas envie de continuer pour aujourd’hui.

Je vais m’arrêter là, je verrai demain, faut que je me repose !

Malgré ma condition précaire, je me surprends à admirer le paysage, c’est vraiment magnifique !

Je suce de la glace, je rêve qu’elle est au chocolat, et vous me croirez si vous voulez, mais à force d’y croire et ben ça a goût de chocolat ?

Je vais essayer un autre parfum !

La nuit commence à tomber, j’entends les loups, je savais même pas qu’il y avait des loups en Normandie, mais bon !

J’ai chaud aux joues, mal à la tête !

Je suis assis par terre adossée à la cabane, j’ai pas la force d’essayer de forcer la porte !

Je me réveille il fait nuit, je suis en sueur, quelle heure peut-il être, le ciel est clair le vent est tombé, la lune éclaire la campagne, Baptiste me regarde inquiet, c’est la première fois que je le vois comme ça, transparent, le première fois que je me rend compte qu’on ne vit pas dans le même monde ?

Il ne parle pas, ce n’est plus qu’une image, peut-être il est en train de mourir !

Je rampe vers lui, je sais même pas pourquoi, mais j’ai l’impression qu’il a besoin de moi !

Plus j’approche, plus il s’éloigne, et plus il devient petit, livide et transparent ?

Je comprend pas ?

À force de ramper, j’arrive au pied d’un arbre, je vois ma grand-mère qui me sourit, je me rendors, enfin je crois ?

Il fait jour !

Je me lève et reprend la marche, je tape mes mains dans sur mes épaules pour me réchauffer, tout en avançant, j’avance pas vite, mais j’avance !

Je suis complètement engourdi, mes muscles sont durs et douloureux !

Je sens la fièvre qui remonte ?

J’ai de plus en plus froid, et de plus en plus faim !

Je suis trop fatigué, je n’ai pas le choix, je dois dormir, même si je veux pas.

Je m’enroule au pied d’un arbre plus par réflexe que par désir !

Je tremble, j’ai très froid !

Maintenant je voudrais que tout s’arrête, je suis à bout de force, et comme il n’est pas question que je retourne chez moi ?

Un soleil d’hiver si caractéristique à sa lumière m’accueille à mon réveil, je ne suis pas seul, des têtes se penchent vers moi, comme dans un cauchemar, la seule chose que je réalise immédiatement, c’est que je suis pas mort ?

Tout le monde parle en même temps, je suppose qu’ils me questionnent, mais je ne comprends rien !

Mon cerveau marche à toute allure, c’est comme une spirale dans laquelle on s’enfonce, comme dans un rêve où l’on tombe en chute libre dans un gouffre sans fond, et d’un coup on se réveille dans un bond angoissant !

Surpris et inquiet, est-ce vraiment un rêve ?

                        De temps en temps, j’ai le droit d’aller passer le dimanche chez ma mamie !

Moi j’aime bien mais, j’ai toujours peur que mes parents viennent me rechercher ?

La semaine je vis dans un foyer, avec plein d’autres ados !

Souvent des gens viennent m’interroger, il me demande toujours la même chose, comment j’étais traité chez moi !

Parce qu’il y a une enquête ?

D’après qu’ils vont bientôt passer au tribunal.

Ils ont fait quelques jours de prisons déjà, mais ils vont peut-être y retourner, après le jugement !

C’est quand même mes parents !

Bref, j’ai fait trois mois d’hôpital, avec plein d’analyses, de questions, j’ai même été amputé de trois orteils, au pied droit, ils étaient complètement gelés, paraît qu’il y avait pas d’autre choix.

Malgré tout à l’hôpital, j’étais bien, tout le monde était gentil, on s’occupait beaucoup de moi !

Par contre on mange pas trop bien, mais ça j’ai l’habitude !

Enfin maintenant je suis dans un foyer, j’aurais préféré rester à l’hôpital !

Parce ce que la vie dans le foyer, faut déjà avoir des muscles ?

Et moi, j’aime pas me battre, j’ai assez pris.

Mais comme je parle plus, on me fout à peu près la paix ?

Pas parler, c’est mon seul moyen ?

Ils vont peut-être me trouver un foyer d’accueil, c’est des gens qui vous accueillent chez eux et qui s’occupent de vous.

C’est en pourparlers, je les ai déjà rencontré une fois, comme si ils faisaient leurs marché.

C’était bien, parce que au moins, ça prouve que j’ai une certaine valeur !

Ils ont deux enfants, un fille et un garçon, lui il a l’air vachement content que j’habite avec ?

Faut voir comment il me regarde en sournois, en plus ils ont une maison en ville, Évreux, moi qui voulais y aller, c’est du bol, mais je sais pas si ça va me plaire ?

Il n’a que onze ans, il s’appelle Kevin, la fille elle, elle me dit bonjour normal ! J’aime bien son prénom, Charlotte, elle a quatorze ans !

Mais elle fait gamine ! Je la trouve très belle !

On me raconte tout ça comme si j’avais le choix d’accepter ou de refuser ce qu’on décide pour moi ?

Enfin c’est pas encore fait !

Donc, au foyer, maintenant on me fout la paix.

Au début ils m’en ont fait baver, mais comme j’ai jamais répondu, ils ont eu l’impressions de perdrent leurs temps.

Mais il y en a qui sont désignés par les plus grands pour devenir leurs esclaves.

Ils doivent tout leur faire, le lit par exemples, et aussi comme c’est que des garçons, bien autres choses, la nuit j’ai vu des trucs, mais comme je veux pas d’histoire, chacun sa merde !

J’ai quand même un peu peur, d’être obligé d’en faire autant ?

Mais là je me battrais !

Autant que je pourrai, parce que c’est trop dégueulasse !

Y en a même qui profitent de leurs sorties pour ramener des trucs à fumer, il n’y a que les éducateurs qui sont pas au courant, où alors ?

Enfin, c’est quand même dur la vie en foyer !

Le pire bien sûr c’est la nuit, le surveillant dort profondément, il suffit de l’écouter ronfler.

Les autres en profitent pour faire chier !

On est quarante par dortoir, c’est bien, on se sent moins seul ?

En plus ici faut se laver tous les jours, non seulement on fait rien de salissant, mais en plus,

il faut se laver, n’importe quoi !

Le dernier trimestre est bien entamé, les profs sont contents de moi, j’ai bien progressé, mais j’ai pas rattrapé tout le retard !

Faut dire que j’en mets un coup, où j’ai des problèmes c’est pour l’oral vu que je parle pas.

Je sais même pas si je sais encore, j’ai jamais essayé depuis le froid !

Je reçois de temps en temps du courrier, ma grand-mère, Mélanie, mes cousins aussi, mais eux pas souvent.

Mélanie je l’ai revue, un dimanche chez mamie, mais c’est comme si je lui faisais un peu peur !

Quand je vais chez mamie, il n’y a plus de décoration sur l’arbre du jardin, il n’y a plus de sapin dans la salle à manger, il ne reste rien de la fête, que mes cadeaux dans une armoire à l’étage !

J’aime bien me promener dans cette maison calme, mamie à la cuisine en train de me préparer des petits plats, et moi je déambule d’escaliers en couloirs, de greniers en chambres abandonnées par les cris et les jeux.

Je m’invente voyageur solitaire, je me rappelle chaque moment de bonheur vécu dans chaque coin !

Je me surprends à sourire aux souvenirs ?

Je sors un peu, dehors toujours les animaux, c’est pas les mêmes évidemment y a longtemps que poules et canards ont été mangé et remplacé

Tout ça me manque un peu, au foyer y a pas d’animaux du tout !

Je rentre dans la prairie, caresse les vaches, leurs bonnes odeurs, j’aime !

Ma grand-mère a gardé l’habitude de sonner la cloche suspendue à côté de la porte d’entrée, dés qu’on est un peu loin de la maison, et qu’elle veut nous faire rentrer.

C’est une habitude du temps de papy, et des ouvriers agricoles, quand la ferme était exploitée à fond.

Je me rappelle grand-père, quand je marchais à côté de lui et qu’on entendait la cloche, il me disait : « semblant de rien quand elle sera fatiguée elle s’arrêtera ! »

Moi aussi quand j’aurais ma ferme plus tard j’aurais une cloche, j’aimerais bien juste pour le souvenir !

Donc je fais demi tour, d’abord parce que papy n’est plus là, ensuite parce que ça veut dire qu’il est l’heure de manger et que j’ai très faim !

Après le repas, je donne un coup de main à faire la vaisselle, ensuite, on va faire un tour sur les terres avec mémé, le soleil est très chaud, c’est une belle fin de Mai.

La campagne sent l’herbe chaude ?

Il me suffit de fermer les yeux et le bonheur est là !

Tout prés !

On marche longtemps comme ça bras dessus bras dessous !

Mamie respecte mon silence, elle ne parle pas non plus !

On surveille les bruits de la nature !

La chaleur est épaisse, lourde, elle est venue trop rapidement !

Une vipère nous coupe la priorité sur le chemin, elle traverse pour aller dans la mare, j’aime pas du tout ces bêtes là, à la ferme il m’arrivait souvent d’en tuer, ça fait drôlement drôle, enroulée sur elle-même, moi ça me fait peur, alors quand je peux un grand coup de bâton sur la gueule !

Enfin, celle qui nous a coupé devant, elle s’est pas arrêtée, heureusement, parce que j’avais pas de bâton !

Dans deux heures, il faudra que je prépare mon retour au foyer !

J’ai déjà été tenté de refaire une fugue, mais j’ai jamais eu le courage !

Pourtant des jours !

Aujourd’hui j’ai beaucoup marché, j’ai mal aux orteils que j’ai plus !

J’arrive pas à oublier Charlotte, elle est dans ma tête maintenant, je sais pas pourquoi ? Elle est mignonne, mais je l’ai vu qu’une fois et j’arrive pas à l’oublier ?

Il fait noir, seule les veilleuses éclairent la scène, c’est un cri étouffé qui m’a réveillé, deux grands tiennent un garçon allongé sur son lit, il l’ont bâillonné, et y en a trois au dessus de son visage qui se masturbent et qui lui éjaculent sur la figure !*

J’ai honte de ne pas intervenir, mais ils sont nombreux et costaux.

En plus, après, ils s’en prendraient à moi !

Ici c’est la loi du silence qui règne.

Pas le choix, c’est comme ça !

Je me fais tout petit, je fais semblant de dormir, pas qu’ils

·          Histoire vraie

s’aperçoivent que je les ai vu !

Sinon !

Après le repas de midi, je me suis planqué à côté de l’entrée, on est samedi, et je sais que les gens qui doivent s’occuper de moi, viennent me rendre visite ?

Je le sais par une secrétaire, elle m’aime bien alors elle m’a prévenu en me faisant promettre de rien dire à personne !

Pour elle, c’est une façon de parler.

À propos de parler, le psychologue D.A.S.S. veut que j’apprenne le langage des signes ?

Complètement con !

Enfin c’est un psy !

Si je veux pas parler, même avec les mains, je parlerais pas !

En tout cas, je vais avoir mon premier cours la semaine prochaine ?

Je sens que je vais les faire chier eux aussi !

Je suis classé dans les associales, instables, paranoïaques et sûrement un peu gogol, ça, ils me l’ont pas dit, mais je devine !

Si seulement ils essayaient d’écouter mes silences ?

Bref, je guette les entrées !

J’ai quand même peur qu’ils aient réfléchi, je suis quand même pas l’enfant idéal ! La preuve mes parents ne m’ont jamais supporté !

À propos de parents, j’ai pas de nouvelles, le procès a été ajourné !

Moi, j’ai refusé de témoigner, pourtant, y a des gens qui viennent me voir encore assez souvent, pour me forcer la main !

Mais moi, je veux plus m’en occuper !

Jamais !

L’entrée est faite par un genre de préau, tout droit, c’est pour les prisonniers, sur la droite c’est les bureaux, et là qui je vois tourner vers les bureaux, malheureusement il n’y a que les parents, pas Charlotte !

Maintenant, je me dépêche de rejoindre la salle de jeux, parce que c’est là qu’on nous annonce les visites du week-end !

J’attends avec une certaine impatience, mais rien ne vient !

C’est pas grave, ils doivent discuter avec le directeur, certainement ?

En tous cas, je suis content d’aller faire un tour en ville, j’en ai marre de cette prison ?

Un samedi les magasins sont ouverts en plus !

Une heure se passe, et moi j’ai mal aux jambes à faire le guet devant les baies vitrées du foyer !

Je commence à me dire que c’est foutu ?

J’essaie d’espérer encore !

Mais c’est foutu !

Sûr !

Dehors il y a un mini golf, j’y serais à l’abri des regards pour pleurer.

Ce mini golf, j’ai jamais vu personne y jouer.

Je suis sûr que c’est interdit, juste pour faire croire, pour faire joli !

Juste pour montrer, quand des parents potentiels viennent visiter.

Moi, j’ai pas de bol, parce que je suis trop âgé pour intéresser quelqu’un, en plus, je suis pas adoptable, j’ai des parents ?

Puis un enfant qui ne parle pas, c’est pas bien ?

C’est pas pratique !

Aujourd’hui, je voudrais bien parler, mais je dois avoir quelque chose de bloqué dans la tête parce que j’y arrive pas et alors là c’est quand même la panique, quand j’essayait pas, j’avais l’impression de contrôler la situation, mais là je m’aperçois que j’y peux vraiment plus rien, et là ça me fait peur !

Le samedi vers dix sept heures, on a des jeux obligatoires, moi qu’aime pas ce mot !

On a quand même le choix entre plusieurs possibilités, mais moi j’aime pas, surtout aujourd’hui, j’ai vraiment pas envie de bouger.

Je suis sûr que les Dupuis sont venus expliquer qu’ils renonçaient à s’occuper de moi !

Je ne reverrai jamais Charlotte ?

Comme activité, je prends photo, c’est pas que j’aime, j’ai pas vraiment besoin de souvenir, mais c’est là qu’il y a le moins d’ados pratiquants, alors !

À dix neuf heures, c’est la traditionnelle étude, jusqu'à vingt heures, important, réfectoire, les plus forts mangent, les autres regardent ?

Moi je regarde !

J’ai droit qu’au pain, mon meilleur repas, c’est le matin parce que le pain je le trempe dans le café au lait, ça me bourre pour un moment !*

Tout ce que j’ai droit, c’est quand il y a épinards ou choux fleurs !

Et les autres cons qui s’étonnent que je perde du poids ?

Après le repas re-étude, des fois qu’on aurait envie de travailler ?

Ensuite vers dix heures dodo, le moment dont j’ai le plus peur !

Très peur !

J’ai peur de la nuit, et j’ai peur des autres la nuit !

Le nouveau jeu depuis quelques soirs, je vous explique !

Un mec passe derrière l’autre, et lui enserre la poitrine, à trois ils serrent violemment, l’autre tombe, il compte trois et il le réveille avec des claques dans la gueule, des fois je vois bien qu’ils ont du mal à les faire revenir !*

Moi personne m’a proposé d’y jouer à ça !

D’ailleurs, je suis mis de côté, et j’aime mieux !*

Au bout de mes cauchemars, le jour du petit matin.

Les autres ne sont pas encore réveillés.

Je me lève et me dirige vers la salle d’eau, il y a des douches mais pas beaucoup, alors faut arriver dans les premiers, en plus c’est des douches sans portes, et moi j’aime pas du tout !*

Je me sens bien sous l’eau chaude, le jet dévale mon corps comme une cascade, finalement je commence à apprécier les lavages.

Mais quand même je mets pas de savon, j’ai jamais aimé le toucher du savon.

En m’essuyant, je m’aperçois qu’un autre est levé, devant son lavabo il m’observe ?

Il a un an de moins que moi, il est blond, et très beau ?

Mais j’aime pas comment il me regarde !

Lui il a pas de pudeur, dés qu’il a l’occasion, il se met à poil !

Pourtant, je dois dire que souvent, quand il me regarde j’ai comme des frissons dans le dos, et une certaine angoisse dans la gorge ?

Joachim, c’est son prénom, j’aime bien !

C’est celui qu’ils ont embêté l’autre nuit, qu’ils avaient bâillonné !

Il a été se plaindre chez le directeur, total, on sortait tête au carré ?

Les autres l’attendaient, ils l’ont emmené derrière le gymnase et voilà, ni vu ni connu !

En plus personne a bougé !

Tout est bien qui finit bien !

Et, aucun surveillant s’est demandé pourquoi il saignait, personne ?

Moi je veux bien me faire taper par mes parents, parce que c’est mes parents, mais par personne d’autre, non personne !

Je retourne à mon lit dans le dortoir, il y a vingt lits de chaque côté, chaque lit est séparé par une petite cloison, et sur la cloison un petit placard, donc là aussi aucune intimité !

Je m’habille en me protégeant du regard des autres comme je peux !

Et c’est là que le surveillant, qui fait des allées et retours dans le dortoir pour voir si tout va bien, s’arrête à mon lit, et me demande de le rejoindre dés que j’aurai fini de m’habiller.

Un peu inquiet quand même, je me presse et le rejoins dans son petit local.

On a rien à lui envier, côté local, tout petit et rien dedans, la seule différence c’est que lui ça ferme, je vois pas pourquoi d’ailleurs !

Bref, c’était juste pour me dire que le directeur veut me voir après le petit déj.

Encore heureux qu’il me fasse pas sauter ce « repas ».

Quel con, il aurait aussi bien pu me dire ça au réfectoire !

Enfin voilà, un dimanche qui commence bien !

Alors le dimanche, pour ceux qui veulent y a messe, moi j’y vais, j’ai tellement peur des autres que là au moins je me sens en sécurité !

En plus, ça me permet de prier pour mon petit frère, qu’est mon aîné !

Je lui raconte ma nouvelle vie, je lui explique qu’il a quand même de la chance !

En tout cas chez le dirlo ce matin, c’était juste pour m’expliquer que les gens qui devaient me prendre avaient renoncé !

Et qu’il avaient choisi quelqu’un d’autre que moi !

Ben tant mieux, ils avaient l’air vraiment trop cons !

Heureusement qu’il me l’annoncé avec diplomatie, parce que j’aurais pu mal le prendre, traumatisé à vie si ça se trouve ?

Il m’a dit : «

-         Mr Meunier Alexandre, vous ne reverrez plus Mr et Mme « ;;;;; », ils ne veulent pas de vous ils vous trouvent trop dur, vous savez qu’on va avoir dû mal à vous caser vous ?

Plus diplomate ça ferait faux cul ?

Comme ça, maintenant, je sais que je ne partirais pas tout de suite d’ici !

Alors qu’il pourrait me placer chez ma grand-mère, vu qu’elle l’à demandé, mais il parait que ce serait pas bon pour moi ?

Ben oui !, habiter dans une ferme, entouré d’animaux, toute la campagne pour courir, un collège de petite ville, une mamie qui m’aime, tout ça, ça peut être néfaste pour mon équilibre ?

En plus elle est vieille ! Enfin l’éducateur a dit « âgée » !

Puisque c’est comme ça, j’ai décidé d’aller faire un tour en ville.

Après tout, on est dimanche.

L’infirmerie se trouve à l’autre bout du foyer et du golf miniature, il suffirait, que je puisse me promener par là, sans me faire remarquer, je pourrais passer derrière le bâtiment, et sauter la clôture !

Ce que j’entreprends immédiatement !

Et sans encombre !

Les rues du centre sont pleines de monde !

C’est très animé, je me balade, tranquille, les filles ont les épaules nues grâce au soleil, les jupes sont courtes, sympa !

L’air sent les gaz d’échappement, c’est pas le plus agréable !

En arrivant sur la place du marché, je découvre une fête foraine.

Si j’avais des sous je m’amuserais !

J’aimerais bien une fois dans ma vie monter dans une auto-tamponneuse !

Bah, autant pas trop m’attarder ici !

J’ai encore plein de choses à voir.

Je passe devant une superbe église, je sais pas pourquoi, mais je me sens envoûté par les églises, je peux pas résister, j’entre.

À l’intérieur, toujours cet effet de repos, de douceur, de sagesse qui m’envahit !

Une petite prière pour Henri, même une grande ?

Je reste un peu dans l’église, c’est comme un cocon, je me sens bien !

En sortant, je regarde la façade, la pendule indique cinq heures, il est temps que je rentre, j’espère que mon absence est passée inaperçue !

La première personne que je rencontre en rentrant dans le foyer, c’est Joachim, il vient droit vers moi, je sens qu’il va me parler, et je me sens angoissé :

-         « Tu sais, j’ai couvert ton absence, quand le surveillant a demandé où tu étais, je lui ai raconté des salades, il a mordu dedans, c’est passé comme une lettre à la poste !

Je le remercie d’un sourire et je lui serre la main, puis je vais dans la salle de télé, au fond du foyer !

J’ai honte de ne pas l’avoir aidé, quand il aurait eu besoin de moi, l’autre soir ?

Je sens encore dans ma main la chaleur de la sienne, cette sensation m’inquiète !

J’ai vu ses yeux de prés, pour la première fois, bleu transparents

, immenses !

Il me trouble, c’est la première fois qu’un garçon me trouble ?

En plus, j’ai même pas honte !

Joachim ! Décidément j’aime son prénom !

Je me le répète dans ma tête plusieurs fois pour voir !

Depuis quelques temps, le soir, Joachim me rejoint et il me parle, de lui, de ses parents qu’il n’a jamais vus, il me raconte ces nombreux placements en famille d’accueil !

Et ses aussi nombreux retours !

Moi je l’écoute, il me fait confiance, j’en suis fier !

Mais, j’ai toujours peur qu’on nous guette ?

Le jour, je peux lui répondre par écrit, mais la nuit y a que lui qui raconte !

Cette nuit, j’ai eu la surprise de voir Baptiste, je ne l’attendais plus, il m’avait oublié, ben non !

On est sorti, on est remonté jusqu’au Moyen-Âge !

C’était chouette, sale et pauvre !

Du coup, on a abandonné la ville, pour se rendre dans un château, que j’ai pas reconnu.

Nous avons été super bien accueilli, en plus il y avait la fête, la table était installée en U, on s’est assis, et là, un tas de plats a défilé devant nous, on a mangé de tout.

En même temps, il y avait des troubadours, des ménestrels, des jongleurs, des conteurs de nouvelles des autres provinces, en quelque sorte, des journalistes, sauf que eux, ils racontent ce qu’ils ont vus ?

Il y a aussi des nains avec des chapeaux à clochettes sur les côtés, qui font des pirouettes, j’ai passé une super soirée !

J’ai été malade cette nuit en rentrant, j’ai passé mon temps à aller vomir, en plus Joachim fait la tête parce qu’il ne m’a pas trouvé dans mon lit, je décide que la prochaine fois, je l’emmènerai avec nous !

J’aime pas le rendre triste ?

Bref, au petit matin, il m’a pardonné, en plus c’est la première fois qu’il se calle dans mon lit.

Sentir ce corps, tout contre moi, je sens une chaleur qui monte mais je me retiens, difficilement ?

Il sent bon, sa peau est douce, très douce !

Mais qu’est-ce qui m’arrive !

Donc, au matin, je le réveille et le pousse hors du lit, si on nous découvrait comme ça, bonjour le scandale !

Même s’il ne s’est rien passé !

Moi côté sexe, je suis encore un enfant, j’ai pas de poils, et j’ai pas de sperme !

Le dimanche suivant, re-évasion, mais cette fois,Joachim vient avec moi !

Et là, il n’y aura personne pour nous couvrir !

Bah, on risque une punition, sûrement une surveillance accrue, et après ?

Mais ça vaut le coup !

Sûr !

Effectivement le soir quand on rentre, un prisonnier accourt vers nous, avec un joie non dissimulée, pour nous annoncer qu’on est attendu de toute urgence, chez le surveillant.

On se regarde, on se sourit, on a été heureux quelques heures, c’est le principal !

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